« L'homme qui marche » de Giacometti est une sculpture, grandeur nature, achevée en 1960. A la base cette œuvre a été réalisée à la demande d' une banque américaine. Cependant elle n'a jamais été installée devant cette dernière, à New York, et a été vendue et présentée en 2010 comme (à cette époque) la sculpture la plus onéreuse du monde, 104 millions de dollars (prix entre temps dépassé par une autre œuvre du même artiste suisse).
La sculpture montre justement un homme qui marche. Il avance tout simplement. Il maintient son regard droit devant, le buste penché vers l'avant. L'homme est maigre, ses bras et ses jambes demeurent très longs. Il est en mouvement mais en même temps littéralement collé sur son socle très épais et lourd. On peut avoir l'impression que la sculpture va, certes vers les autres, sans vraiment savoir comment, mais qu' elle a paradoxalement l'air isolée et seule. Cet homme ne semble pas très "vivant", pourtant il marche.
C'est finalement le portrait de l'humain d'aujourd'hui, toujours en mouvement, actif et en même temps livré à lui même et seul : individualiste mais qui a besoin d'être aimé par les autres.
Ce merveilleux chef d’œuvre se concentre sur le corps, l'essentiel de l'être humain et la partie totalement oubliée par nous qui restons plutôt concentrés sur le cerveau et sa productivité et qui utilisons notre corps uniquement pour nous représenter. Nous ne l'écoutons plus, le forçons à maigrir quand nous ne trouvons pas assez mince; nous le supportons des jours et nuits éveillé, lorsque nous avons un travail à finir, nous le nourrissons mal quand nous manquons de temps, jusqu'à avoir avoir mal au dos et nous épuiser de rester dans la même posture. Parfois, nous restons même des semaines sans respirer de manière consciente. En fait, nous ne prenons pas le temps de nous occuper de nous.
« L'homme qui marche » est donc vraiment une sculpture très importante. Quand on l'a vue une fois on ne peut l'oublier, elle nous suit.
Dans cet extrait de « Homme parmi les hommes » Alberto Giacometti travaille devant nous et nous parle ainsi de la difficulté à reconnaître les personnes en allant à jusqu'au tréfonds de la structure générale de l'humain; et du fait que tout cela puisse constituer une véritable spirale : « Chacun devient tout le monde, tout en restant un particulier devenant un inconnu ».
Alberto Giacometti disait, dans des propos recueillis par Yvon Taillandier : « (..) Pour moi, un objet cesse d'être une sculpture. Pour moi une sculpture doit être la représentation d'autre chose qu'elle même. Une sculpture ne m'intéresse vraiment que dans la mesure où elle est le moyen de faire refléter la vision que j'ai du monde extérieur... Ou, plus encore, elle n'est aujourd'hui pour moi que le moyen unique de connaître cette vision. À tel point que je ne sais ce que je vois qu'en travaillant. »
Giacometti était un artiste philosophe qui éprouvait une amitié très forte à l'égard de Sartre et Beauvoir. Ils se retrouvaient souvent au fameux « Café de Flore » à Paris pour échanger autour de leur travail et de leurs visions du monde.
Le travail de Giacometti est parsemé de doutes. Il ne s'agissait pas d'un artiste sûr de lui et de son travail. Il a souvent détruit ses œuvres quand il ne les trouvait pas à la hauteur de ses propres espérances. C'était un artiste qui réfléchissait beaucoup et qui ne rentrait pas dans des cases ou se limitait seulement à son art; non...il recherchait toujours quelque chose de plus. Il restera donc, sans aucun doute, le plus important sculpteur du monde.
Alberto Giacometti est mort le 11 janvier 1966. Jusqu'au 01.02 la plupart de ses œuvres est exposée à la galerie d'art moderne de Milan.